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Le déni de la violence monothéiste (Jean-Pierre Castel)

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Message par dhallepee Lun 22 Nov - 19:56

Le déni de la violence monothéiste (Jean-Pierre Castel) Violen11

auteur : Jean-Pierre CASTEL
Titre : LE DENI DE LA VIOLENCE MONOTHEISTE
éditeur : L'Harmattan
collection : Questions contemporaines
parution : 2010
commande en ligne : http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=32113
Prix : 30 euros


Dernière édition par dhallepee le Sam 4 Oct - 18:17, édité 1 fois
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Message par dhallepee Lun 22 Nov - 20:03

Le monothéisme biblique n'a pas seulement projeté son dieu hors du cosmos, il ne lui a pas seulement donné les traits d'une personne douée de parole ; il en a aussi fait un dieu jaloux, qui stigmatise les autres dieux comme des idoles à abattre, et qui impose une nouvelle notion, inconnue jusqu'alors : la vérité révélée, unique et universelle.
De la prétention à détenir une telle vérité, "inventée" par Moïse, puis conservée par Jésus et par Mahomet, a émergé une nouvelle forme de violence, d'abord exclusive et défensive dans le judaïsme biblique, où elle était motivée par l'obsession de la pureté, puis inclusive et offensive dans le christianisme et dans l'islam, où elle est mue par le prosélytisme et le dogmatisme.
Croyants ou non, la plupart des occidentaux considèrent le monothéisme comme un aboutissement de l'esprit humain, jusqu'à occulter notre héritage gréco-romain, voire jusqu'à attribuer à la tradition judéo-chrétienne l'origine du développement scientifique moderne.
Ils exonèrent en revanche le monothéisme de toute responsabilité quant aux violences commises pourtant en son nom, tant dans le texte biblique lui-même que dans la réalité de l'histoire depuis deux mille ans : soit ils dénient la réalité des massacres et des bûchers, soit ils en reportent la faute sur Constantin, sur Descartes, ou sur la violence humaine en général.
Croisant l'anthropologie et l'histoire des faits, des idées, des religions et des sciences, cet essai s'interroge sur les résistances de l'humanité à dépasser ses mythes, et sur les conditions d'une transition de la vérité unique à la tolérance.
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Message par dhallepee Lun 22 Nov - 20:05

jean-pierre castel a écrit:J’ai pris le risque de mettre sur le papier le puzzle des idées qui me sont venues après avoir lu quelques livres sur la relation entre violence et monothéisme.

Idéalement, ce livre se veut une invitation au débat : les réponses qu’il propose sont à prendre comme des hypothèses à vérifier, un certain nombre de questions restées sans réponse sont d’ailleurs recensées dans le Post Scriptum en fin du bouquin.

Merci d’avance à tous ceux qui voudront réagir


Dernière édition par dhallepee le Ven 21 Jan - 14:28, édité 1 fois
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Message par dhallepee Lun 22 Nov - 20:06

réponse de Philippe J.

Puisqu'il y a invitation à réagir réagissons

On peut déjà citer "les trois monothéismes", de Daniel Sibony, pami bien des ouvrages pour enrichir l'analyse.

Mais plutôt que de monothéisme parler d'absolu et de relativisme, comme l'indique d'ailleurs le texte, puisque la concentration sur le monothéisme est quand même réductrice, pour ne pas dire par trop simpliste sachant qu'on sort à peine du 2ème guerre mondiale où se son affrontés avec les pires violences jamais enregistrées des absolutismes étrangers et même ennemis à ces trois monothéismes, à savoir nazisme et communisme précisément occupés à éradiquer absolument ces trois monothéismes.

Donc point de vue qui me paraît partiel voire partial sous réserve d'inventaire et plutôt démenti par l'expérience

Le problème est plutôt que tout homme est nécessairement croyant (tant qu'il vit), sauf rares cas pathologiques étudiés (Damasio, Laplane) mais avec une hiérarchie ou une organisation de croyances variant considérablement entre celui qui croît avant tout à sa famille et à ses traites de fin de mois (on en est tous un peu là) et ensuite au reste (parfois déjà à la retraite) et ne se projette donc pas forcément loin dans le temps (m'enfin quand même au moins jusqu'à noël et aux prochaines vacances) et celui qui se projette dans une réalisation et déjà une idée qu'il veut transcender plus loin (sa commune, sa tribu, sa boîte, son parti, sa région, sa nation, la terre, une autre idée, l'humanité mais... laquelle?)
Il y a les croyants dans la Science (souvent avec majuscule d'ailleurs, et au singulier), d'autres dans l'Europe, l'Amérique, la Chine, d'autres dans une création et d'autres dans une évolution, tout ceci n'étant au finish pas forcément bien différent. D'autres s'éclatent avec une croyance panthéiste. D'autres m'ont expliqué qu'ils ne croyaient que ce qu'ils touchaient, ce qui est évidemment très subjectif et peu scientifique mais pas bien dangereux si c'est vrai.

Il y a effectivement l'aspect texte : il se trouve que j'ai écrit et suis en train de finir quelques papiers sur la question car aucun texte ne peut renfermer aucun absolu, étant de taille et symbolisme fini. Cela impliquerait le finitude de l'empirisme sauf à établir que nous avons des modes d'accès à l'infini voire au continu, et lesquels, ce qui semble envisageable (par exemple si la courbure est réellement continue et que nous en avons une forme d'expérience directe comme masse, très basiquement)

Mais donc il est vrai qu'on ne peut fonder aucun absolu sur un texte, qui ne peut donc qu'être relatif (notons tout de même qu'il est impossible d'être absolument relativiste, ce serait auto-contradictoire): reste l'hypothèse de la révélation transcendantale, avec le problème d'échapper a priori à confirmation et réfutabilité expérimentale. Cependant ce point de vue est abordé de façon très différente par chacun des trois monothéismes cités donc il serait très réducteur (mais ce n'est pas peut-être pas ce que fait cet ouvrage que je n'ai pas lu) de vouloir les mettre dans un même paquet.
Rappelons que l'Islam doute que le Christianisme soit un monothéisme (à cause de la trinité)!

Réponse de l'auteur

Merci pour ces commentaires et ces indications de lecture.
Bien sûr la question de l’absolu et du relatif est centrale, je la traite notamment par un parallèle entre Athènes et Jérusalem inspiré entre autres du remarquable livre de Jean Soler « La violence du monothéisme ».
Mon propos ne vise pas les religions ou les croyances en général, mais le monothéisme, en ce qu’il se distingue radicalement des autres religions ou spiritualités par la notion de vérité révélée.
Je ne doute pas des différences entre les trois monothéismes - je connais d’ailleurs très mal le judaïsme et encore moins l’islam – mais m’attache à leur racine commune : la notion de vérité révélée . C’est l’unicité de la vérité qui pose problème, que le dieu soit un ou trinitaire.
Je serais en revanche très intéressé par la réaction de quelqu’un connaissant bien le judaïsme.

Réponse de Philippe J

Un aspect commun judéo-chrétien c'est l'histoire, mais c'est évidemment insuffisant selon qu'on la regarde passée, en cours ou hypothétiquement (ce qui est faible) future. Une perspective cependant empirique qui n'est pas mieux abordée par aucune autre méthode (en l'occurrence dans les évangiles il y a cette phrase "croyez au moins à cause des oeuvres").
Sur la violence tu as surtout la série d'écrits de René Girard (voire Dupuy)

Sur ta question de la révélation il y a aussi le N°88 de la revue "Philosophie" (aux éditions de Minuit) sur "Le Témoignage"

réponse de l'auteur

Merci. René Girard et sa théorie du sacrifice sont évidemment un fil rouge de mon bouquin. Je lui consacre d’ailleurs toute une annexe.



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Message par dhallepee Lun 22 Nov - 20:10

Réponse de David M.

Voici un sujet qui pour bien des raisons m’intéresse également, et je serais ravi de me joindre au débat.
A la lecture fort alléchante de ta présentation, quelques idées me viennent.

Je suis tout à fait d’accord sur la violence implicite d’une vérité révélée et inaltérable par opposition à la quête humaine de la vérité, mais il me semble que cette opposition se retrouve au sein même des religions monothéistes. A titre personnel, j’opposerais ainsi plutôt spiritualité et dogme et plus profondément la « religion de la récompense » (tu iras au Paradis si tu obéis aux règles/au clergé) et la « religion de l’accomplissement » (pour laquelle le Paradis n’est pas une récompense mais un « état » : sainteté, éveil, amour universel….).
Dans le judaïsme par exemple, certaines écoles de pensée enseignent que les textes sacrés sont volontairement complexes et difficiles à comprendre parce que l’important n’est pas d’en dégager une interprétation finale et parfaite, mais de les étudier pour en acquérir une compréhension la moins imparfaite possible. Dans l’islam, le soufisme semble se rapprocher de cette forme de pensée, et on connaît la citation de Saint Bernard de Clairvaux qui dit qu’on trouve plus de sagesse dans les bois que dans les livres.
Evidemment, il y a encore une marge entre accepter des interprétations différentes de la même religion et accepter d’autres religions !

De la même manière, les religions polythéistes ne sont pas toujours étrangères à la violence : violence physique des sacrifices humains dans l’Amérique précolombienne, violence sociale du système des castes en Inde. Ceci dit, il reste la différence fondamentale que cette violence n’a pas pour but d’imposer des idées et une croyance en niant les autres.

Enfin, la violence semble a priori venir plutôt de l’idée d’une vérité révélée et indiscutable que de la croyance en un dieu unique. Pourtant, dans les religions qui me viennent à l’esprit tous les monothéismes s’appuient justement sur des textes révélés et indiscutables, alors qu’aucun polythéisme n’accorde une telle place à des textes ni à des révélations faites une fois pour toutes. Sans doute y a-t-il un lien, mais j’avoue qu’il m’échappe.

Voici en quelques mots une modeste contribution, qui bien sûr n’ôte rien à mon adhésion à ta thèse principale !

Réponse de l'auteur

Enfin, la violence semble a priori venir plutôt de l’idée d’une vérité révélée et indiscutable que de la croyance en un dieu unique. Pourtant, dans les religions qui me viennent à l’esprit tous les monothéismes s’appuient justement sur des textes révélés et indiscutables, alors qu’aucun polythéisme n’accorde une telle place à des textes ni à des révélations faites une fois pour toutes. »
C’est le cœur du sujet (et non pas une radicalisation de la réponse à la violence). C’est bien la vérité révélée plus que le dieu unique qui est la racine de la violence. Mais le dieu unique, à partir du moment où ii a les caractéristiques d’une personne, devient nécessairement– c’est ce que j’argumente – porteur d’une vérité révélée.

Sur la relation entre les religions en général et la violence, mon maître est René Girard : oui le rôle des religions est bien de mettre la violence à distance. Mais la notion de vérité révélée est une nouvelle catégorie, qui introduit une nouvelle source de violence.

Que les religions polythéistes aient comporté une violence sacrificielle, certes. Mais au moins elle s’avouait comme telle, elle ne faisait pas l’objet d’un déni, et était circonscrite par le rituel. C’est tout l’inverse dans le monothéisme. Le lien entre les deux est précisément l’objet de mon bouquin.


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Message par dhallepee Lun 22 Nov - 20:11

Réponse de Michel D.
J'ai "décodé" les messages des différents mythes (égyptien, hindous, mésopotamien, grecs et biblique). L'important est la métaphore et non le symbole (travers pris par Eugen Drewermann et les Jungiens). L'important est non la vérité révélé (délire de quelqu'un qui ne veut admettre la mort de ses fils dans le cas de Mahomet par exemple), mais l'intransigeance à dire que c'est la seule... et qu'au nom de ce Dieu (unique ou non) tu as le droit de tuer autrui. Les hindous sont polythéistes et violents.
Le problème des juifs est leur sentiment d'appartenance à cette communauté qui fait passer la Bible avant leur conscience personnelle (d'où la multiplicité de symboles d'appartenance) et la place dans la famille. Le 2ème, s'il est l'élu de Dieu, passe avant le 1er (Histoire de Abel, Isaac, Jacob...).
En lecture, je te déconseille René Girard (Le sacré et la violence) et son obsession du mimétisme et du sacrifice. Je te conseille Bottéro qui a écrit surtout sur les mésopotamiens et sur la bible. "Conversations avec Dieu" aborde le sujet de la violence des Dieux révélés. "Traité d'athéologie" de Michel Onfray est très salvateur.
Dans tous les cas, je pense que l'antidote est la laïcité (éducation et égalité entre l'homme et la femme) et l'abolition de la peine de mort.
J'ai écrit un livre (Dieu aime-t-il la vie sur Terre ?) sur le sujet qui n'a pas trouvé d'éditeurs.

Réponse de l'auteur

Bottéro bien sûr sauf qu’il est trop chrétien pour être lucide

Girard : je trouve personnellement très forte sa théorie mimétique et celle du sacrifice

Je suis bien d’accord que le pb de la vérité révélée (dieu unique ou non) vient de l’intolérance, du dogmatisme et du prosélytisme dont elle est porteuse : elle s’oppose par là à la quête de la vérité des Grecs (sauf Platon !)

Lever le déni de la violence monothéiste me semble un préalable vers la laïcité. Je préfère la tolérance. La peine de mort est pour moi un autre débat.


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Message par dhallepee Lun 22 Nov - 20:11

réponse de Xavier M

Le sujet semble passionnant et je ne peux résister à la tentation d'y
apporter ma pierre.

Je reprends juste un point qui semble sous tendre le résumé du livre et
que je développe suivant mes idées.
Il est une violence humaine fondamentale (sujet déjà abondamment traité).
La religion peut être vu comme une réponse à cette violence et une façon
de la traiter. Même si l'on suppose autre l'origine de la religion,
celle-ci ne peut se passer d'aborder cette question.
Si j'ai bien compris, le livre s'interroge sur la façon avec laquelle
l'origine révélée de la religion conditionne la réponse à la violence en
la radicalisant. Reste à savoir ce que l'on entend par cette
radicalisation et sur ses effets concrets par rapport à une religion non
révélée (qui radicalise peut-être aussi la violence en la divinisant par
exemple) . Le caractère monothéiste ou polythéiste de la religion joue
sans doute aussi un rôle indéniable. Par contre, je garderais toujours à
l'esprit le caractère très flou de ces définitions qui semblent provenir
de la religion révélée monothéiste qui s'est ensuite mise en opposition
aux autres religions par ce jeu de vocabulaire un peu artificiel. Par
exemple, certains considèrent l'hindouisme comme une religion monothéiste.


Pour la seconde question, il s'agit du déni de la violence monothéiste. Déni en fait assez superficiel et récent.
Pour parler du christianisme, je rappelle que la bible, ancien comme nouveau testament, est bien loin des petites fleurs bleues
enseignées en catéchèse, de même pour tous les écrits des pères de l'Eglise, docteurs... même et surtout Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus - et de la Sainte Face - ou Saint François d'Assise... et cela reste vrai aujourd'hui encore.
Par contre, un vrai déni de cette violence est apparu chez la majorité justement au nom d'une certaine tolérance (qui implique une autre forme de dogme et de violence qui est déniée par ceux-là même qui les portent). Cette tolérance occidentale qui se pose en rejet de la violence exprimée dans le passé est à mon avis aux antipodes des notions évangéliques (vérité, bonté, amour de l'-ennemi-, miséricorde, accueil...) et je ne vois pas de réconciliation profonde possible sans un veritable changement de perspective. Je suis d'accord, il faut lever le déni de la violence qu'elle soit monothéiste ou autre.
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Le déni de la violence monothéiste (Jean-Pierre Castel) Empty Résumé de l'oeuvre

Message par dhallepee Lun 22 Nov - 20:16

Deux relations tissent la trame de cet essai : au premier plan violence et monothéisme, en arrière-plan, vérité et tolérance. Le propos est illustré par la comparaison entre Athènes et Jérusalem, et par l'attitude des différentes religions à l'égard du rituel central et ancestral que constitue le sacrifice.
Avec le monothéisme, les Hébreux ont inventé une nouvelle "catégorie de vérité", inconnue jusque-là : la vérité révélée. Emanant d'un dieu transcendant, personnel et jaloux, cette vérité unique, universelle, et non révisable, constitue le dogme fondateur du monothéisme ; elle s'exprime dans des textes considérés comme sacrés, et dans une loi et une éthique réputées relever d'une origine divine.
La non-réfutabilité de la vérité divine constitue une forme d'absolutisme qui - c'est du moins la thèse de cet essai - est la cause première de la violence monothéiste. Cette racine est commune aux trois religions abrahamiques, même si la violence y prend différentes formes: dans le judaïsme biblique, l'obsession de la pureté, et dans le christianisme et l'islam, le prosélytisme et le dogmatisme. Cette violence fait l'objet d'un déni dont le but est de protéger le dogme fondateur. La grande variété d'arguments mobilisés à cette fin vont d'une exégèse appropriée des textes à la négation d'une quelconque spécificité de la violence religieuse au sein de la violence humaine en général.
Dans le domaine de l'éthique, la Loi hébraïque ne se distinguait en fait guère de la morale ni des lois des peuples voisins, sinon par son rigorisme, conséquence précisément de son origine divine. Si les Evangiles ont profondément renouvelé le message de non-violence et de responsabilité individuelle du judaïsme biblique, ils n'ont en revanche pas dénoncé la violence monothéiste. Jésus n'a pas prononcé le mot de tolérance. C'est dix-neuf siècles plus tard Gandhi, un polythéiste, qui en sera le porte-parole.
Le christianisme résulta de la rencontre entre la tradition grecque, caractérisée par la quête humaine de la vérité, et la tradition hébraïque, caractérisée par la prétention de détenir une vérité de source divine. La collusion entre l'Eglise et l'Empire Romain permit à la vérité révélée d'asservir la philosophie, c'est-à-dire d'étouffer la liberté de pensée. Il fallut attendre un millénaire pour qu'enfin la Renaissance renoue avec l'indépendance et l'esprit critique qui avaient caractérisé le "miracle grec".
L'Occident - y compris le grand pourfendeur des religions qu'est Freud - continue pourtant à voir dans la transcendance monothéiste l'aboutissement de l'esprit humain et le fondement de la civilisation dite judéo-chrétienne - occultant au passage l'héritage gréco-romain. Il exonère en revanche le monothéisme de toute responsabilité quant aux violences commises pourtant en son nom, tant dans le texte biblique que dans la réalité historique depuis deux mille ans.
Croisant l'anthropologie et l'histoire des faits, des idées, des religions et des sciences, cet essai s'interroge sur les résistances de l'humanité à dépasser ses mythes, et sur les conditions d'une transition de la vérité unique à la tolérance.
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Le déni de la violence monothéiste (Jean-Pierre Castel) Empty Table des matières

Message par dhallepee Lun 22 Nov - 20:21

1. Le monothéisme biblique : une révolution dans l'histoire des religions occidentales
2. Le déni de la violence monothéiste : arguments, motifs, enjeux
3. La tentation de l'exégèse et de l'allégorie
4. La violence monothéiste : une catégorie pertinente ?
5. La violence religieuse : une spécificité monothéiste ?
6. Jérusalem et Athènes : l'absolu et le relatif
7. Jérusalem : sa relation à la violence
8. Les Evangiles et l'Ancien Testament : rupture sur les valeurs, mais maintien de la vérité unique
9. L'Ancien Testament est-il une "condition nécessaire" du Nouveau Testament ?
10. Dépasser Moïse ?
11. La civilisation occidentale : gréco-romano-judéo-chrétienne ?
12. Monothéisme et désenchantement du monde
13. Autres aspects de la violence monothéiste
14. De la difficulté à dépasser les mythes tenus pour vérités
15. Dépasser le dilemme entre vérité et tolérance ?
16. Avant de conclure : question de légitimité
17. Conclusion : la tolérance comme dépassement de la violence monothéiste ?
Post-scriptum : questions ouvertes
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Message par dhallepee Lun 22 Nov - 21:06

réponse de Jean S
Un point de détail : tu cites le "Traité d'Athéologie", de Michel Onfray, mais le niveau de cet ouvrage me semble proche du journalisme, c'est à dire assez quelconque. Dans le même genre, il y a beaucoup mieux, je ne sais pas si tu l'as lu : "Pour en finir avec Dieu", de Richard Dawkins.

réponse de l'auteur
Pour ma part, je n’ai lu ni Onfray ni Dawkins (n’en ai guère eu envie) : à tort ?
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Message par dhallepee Lun 22 Nov - 21:08

Réponse de Serge R.

Le paradoxe est que si Dieu ni les dieux n'existent pas, ce dont je suis persuadé car je pense et je te l'ai écrit que l'idée de dieux est une invention de l'homme pour combattre son angoisse existentielle et son refus du néant, il doit bien se marrer de là-haut ou d'ailleurs ou de nulle part en voyant les hommes s'étriper pour lui et en son nom - c'est-à-dire pour rien!

Cela étant, si Dieu ou les dieux étaient bons, pleins d'indulgence (qui s'achètent dans certaines religions, je crois) et ont d'autres qualités, pourquoi laissent-ils les hommes se massacrer pour Lui ou eux et comment le Dieu des chrétiens aurait-il pu laisser son fils, c'est quand même important, c'était un fils unique, se faire assassiner en public par des imbéciles sous ses yeux, puisqu'il voit tout et sonde les reins et les coeurs?

Je viens de voir en projection privée (je suis à New York jusqu'à la fin du mois) un film qui vient de sortir mais je ne suis pas sûr qu'il trouve beaucoup de salles pour y être projeté, sur l'une des premières batailles de la guerre de Corée, fin 1950, monté à partir de témoignages d'une douzaine de survivants boiteux, 80-90 ans aujourd'hui, émouvants de fierté et de tristesse (9,000 tués et blessés en quelques semaines sur un contingent de 15,000 Américains: on ne se souvient pas suffisamment de leurs sacrifices à l'époque et ils continuent au Moyen-Orient) et de morceaux de films noir et blanc tournés sur place, des Américains de 20 ans face à une armée de Chinois dix fois plus nombreux et d'une indescriptible férocité bestiale. Si Dieu a conçu l'homme à son image, ce doit être un bien méchant personnage peu fréquentable. Il y a là une contradiction que je n'ai jamais entendu personne m'expliquer - et pourtant j'ai une oreille complaisante.

Réponse de l'auteur

Un texte égyptien disait déjà: "la pensée de Dieu fait exister l'homme. La pensée de l'homme fait exister Dieu". Voltaire: "Dieu a fait l'homme à son image, et l'homme le lui a bien rendu", Oscar Wilde: "il me semble parfois qu'en créant l'homme, Dieu ait surestimé ses possibilités".

La théorie du bouc émissaire de René Girard donne une explication très convaincante de la création de dieux. La création des dieux, ou plutôt l’invention des rituels religieux fut d’après de nombreux anthropologues, don René Girard, première, c'est-à-dire à l’origine de toute civilisation. D’où son intérêt, en tant qu’invention humaine. Mon bouquin s’intéresse à une branche particulière de l’évolution des religions : le rameau monothéiste.

Mon bouquin se limite à cette violence dont je prétends qu’elle est bien spécifique, la violence religieuse, mais qui ne résume absolument pas la violence humaine en général. Girard après Lorenz pensent d’ailleurs que le sadisme est l’une des différences entre l’homme et l’animal. L’invention des religions avait précisément pour but de « mettre la violence à distance », en la focalisant sur des boucs émissaires, que reproduisent les victimes des sacrifices, dont le Jésus des chrétiens constitue une forme extrême

Réponse de Serge R.

De toutes façons, c'est l'homme qui a créé Dieu et non l'inverse. Donc on peut en dire tout ce qu'on veut et son contraire!

Bonnes discussions!

Réponse de l'auteur

Il me semble que, depuis Heisenberg, cette sentence peut s’appliquer à toute chose ?
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Message par dhallepee Lun 22 Nov - 21:23

Réponse de David M
Là, je te rejoins totalement.

N’ayant pas lu ton livre je ne vais peut-être que redire des choses que tu y développes, mais il me semble que l’unicité du dieu unique n’est pas le cœur du problème, mais plutôt le fait qu’il n’y a rien « au-delà » de lui.
Je m’explique : on peut trouver là une opposition bien connue des philosophes anciens lorsqu’ils argumentaient contre les premiers chrétiens : le Bien est-il le Bien parce que telle est la volonté de Dieu, ou Dieu est-il digne de sa place dans l’univers parce qu’il a mis sa volonté en conformité avec le Bien ?
Lorsque les dieux sont multiples, ils sont généralement au service de quelque chose qui les dépasse : ordre du monde (en opposition aux forces du chaos), honneur, destin, sagesse….
A l’inverse, le dieu unique est présenté par les trois monothéismes comme un absolu « en soi ». Les dieux multiples recherchent ou servent la vérité, mais chacun d’eux n’en incarne ou n’en symbolise qu’une partie. Le dieu unique est la vérité dans sa totalité. D’où la possibilité d’une révélation définitive qui s’impose à tous.

Ceci dit, il me semble que certains courants ont présenté le dieu unique comme se dévouant à quelque chose qu’il estime plus grand que lui-même, du moins en ce qui concerne le Judaïsme et le Christianisme (je ne sais pas pour l’Islam). Courants minoritaires, et dont on pourrait argumenter qu’au final ils vénèrent plus ce « quelque chose » d’inexprimable aux côtés de Dieu qu’ils ne vénèrent Dieu lui-même. Même si ces courants sont à la fois porteurs de tolérance et monothéistes, ils rentrent parfaitement dans ta définition puisque leur « vérité ultime » est un principe au-delà des mots et n’a plus les caractéristiques d’une personne.

Réponse de l'auteur

Je n’ai pas développé l’idée avec ces mots-là, mais je suis bien d’accord. J’ai plutôt repris le vocabulaire de JP Vernant en disant que les dieux polythéistes sont « dans le monde », alors que le dieu monothéiste est projeté hors du monde.

D’ailleurs l’un des auteurs qui décrit très bien – quoique sans doute pas avec la même finalité spirituelle  ce désenchantement du monde produit par la transcendance monothéiste est Leo Strauss dans son Commentaire sur la Genèse (Michel Diviné, auteur de Dieu aime-t-il la vie sur Terre ?, connaît sans doute ce très beau texte ?), texte auquel je me réfère abondamment.

Quant à ton dernier §, je suis bien d’accord, je pense en particulier à tous les mystiques, ou même à des hommes comme Paul Ricoeur : ni tous les chrétiens, ni tous les musulmans, et encore moins je crois les juifs ne sont restés prisonniers de la camisole de la vérité unique et du texte ! Le monothéisme n’a pas tué l’ouverture d’esprit de tous ses fidèles, Dieu soit loué serait-on tenté de dire, nombreux sont ceux qui ont su garder cette ouverture tout en restant fidèles à leur communauté d’appartenance, mais c’est leur personnalité propre qui a résisté au dogme et non l’inverse : une forme de résilience !

L’une de mes phrases de conclusion est d’ailleurs qu’il vaut mieux chercher la certitude du cœur et préserver la liberté de l'esprit, plutôt que contraindre l'esprit dans l'illusion de gagner le cœur.
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Message par chatelain Mar 23 Nov - 23:49

Pour moi, la violence est inhérente à la condition humaine. N'oublions pas ce qu'a dit Levi Strauss au sujet de la société de type occidental (une société orientale peut être de type occidental): elle repose sur l'exploitation d'un groupe de membres de cette société sur un autre groupe de cette même société. Pour moi, la religion est une étape de la recherche d'une philosophie pour vivre. La recherche de la Vérité (avec un grand V) est pour moi typiquement occidentale. Par ailleurs, la religion peut être instrumentalisée : par exemple, les Croisades étaient, selon certains, un exutoire pour qu'une certaine aristocratie oisive aille porter son ennui (et sa violence) ailleurs. certaines croyances relèvent de la culture. Et une culture peut devenir une prison inconsciente. Et l'Etat est cette fiction qui a le pouvoir "monothéiste" (exclusif) de la violence légitime. Les guerres ont toujours eu besoin d'une justification. Guerre de religions, la Terreur (L'Etre suprême), guerres nationales (napoléoniennes, la Nation devient la révélation), traite des esclaves (qui n'ont pas d'âmes), Seconde guerre mondiale (l'espace vital, l'Aryen), guerre froide (la Liberté, l'Homme nouveau), guerre économique (la Monnaie devient mondiale, nouvelle révélation à laquelle nous adhérons tous). Même l'amour peut servir de justification : qui aime bien, châtie bien????

chatelain

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Message par jean-pierre castel Mer 24 Nov - 2:15

Mon propos n'est pas de contester que la violence soit inhérente à la condition humaine, au contraire ! Je m'inscris d'ailleurs dans le fil de René Girard, qui n'a pas peur de la dimension tragique de la condition humaine, beaucoup plus que de Lévi-Strauss qui si je ne me trompe s'intéresse plus aux relations entre les faits qu'aux faits eux-memes. Le silence de Lévi-Strauss sur René Girard est éloquent!
Mon propos n'est donc pas de faire le tour de la violence humaine, mais bien au contraire de dire: le monothéisme a ajouté une violence nouvelle, supplémentaire par rapport au tableau déjà bien fourni de la violence d'avant le monothéisme. Pour faire court, aucun autre peuple n'a éprouvé le besoin de partir en guerre dans le seul but de détruire les dieux de l'ennemi.
En revanche mon bouquin débouche sur une demande d'approfondissement dela caractérisation Occident/Orient. Je serais étonné qu'on puisse affirmer . que l'Occident soit le seul à rechercher la vérité. En Occident même, la recherche de la vérité me paraît très différente entre les Grecs, pour qui c'est une quête, et les monothéistes, pour qui la Vérité est révélée. Il me semble que la différence entre Orient et Occident porte plus sur la permanence ou l'impermanence de la vérité, sur l'hyprtrophie du moi/dilution du moi, sur la notion d'individu et la subjectivité. C'est en tout cas l'une des questions auxquelles j'aboutis.
Bien cordialement.

jean-pierre castel

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Le déni de la violence monothéiste (Jean-Pierre Castel) Empty projection de l'homme sur ses créations

Message par chatelain Lun 7 Fév - 17:48

Pour votre information, il y a 3 pages (203 à 205) sur Dieu dans le dernier livre de d'Ormesson "C'est une chose étrange à la fin que le monde". Ces pages se terminent étrangement par le mot "violence"!

chatelain

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